Seghers, collection « Mots », mai 1989.
Fayard, novembre, 2003, 1ère édition intégrale, augmentée de 14 textes.
La littérature anglo-saxonne, qui aime et pratique suffisamment la nouvelle pour lui avoir inventé des sous-genres (par exemple, les histoires de fantômes ou les crimes de Noël), nomme Long pig stories ces histoires de grand cochon comestible — qu’il faut comprendre comme un « cochon » développé dans le sens de la hauteur (long pig) et dont il convient par bienséance de ne pas préciser davantage la véritable espèce.
En rédigeant, d’août 1985 à août 1987, les vingt-quatre nouvelles qui allaient composer La Petite Sauteuse, j’étais donc convaincu d’œuvrer dans le respect d’une filiation et dans le renforcement d’une tradition. Tradition littéraire à vrai dire peu pratiquée dans le domaine français, et avec un dilettantisme diffus qui pourra étonner chez un peuple aussi féru de plaisirs culinaires. J’organisai mon recueil en batterie de cuisine, car les bonheurs de table ne naissent pas uniquement des mets proposés, mais aussi, d’une manière plus subtile et secrète, des instruments de leurs apprêts.
Une première édition de ce recueil est parue en 1989 dans la collection « Mots » dirigée par Paul Fournel aux éditions Seghers. Elle comportait dix de ces historiettes. En novembre 2003 paraissait aux éditions Arthème-Fayard l’intégrale des vingt-quatre textes initiaux.
A.D.
L’avis des dégustateurs
« Dix nouvelles sur les thèmes conjoints de la mort et de l’amour avec, en prime, quelques contraintes « oulipiennes » : chaque titre est un instrument de cuisine et la chute est toujours la même, un personnage est mangé. Sur cette trame unique, Demouzon se permet toutes les variations, en dosant habilement les ingrédients, polar, insolite, sensualité, humour, et en restant en permanence dans le domaine de la suggestion. »
Jean-Claude Alizet, L’Année de la fiction, 1989 (éd. Encrage).
« Il y a dans ce petit recueil de quoi donner des idées à tous les Landru d’aujourd’hui qui en auraient assez de leur sempiternelle cuisinière. À condition qu’ils aient dans leur cuisine au moins un de ces instruments suggérés par Demouzon et dont chacun donne son titre à une nouvelle. « La petite sauteuse », « Le gril », « Cocotte-Minute », « L’économe », sans oublier « Le cul-de-poule » ou « Le hachoir ». Par petites touches sensuelles, Alain Demouzon nous met en appétit. Il nous présente les protagonistes, dresse le menu, nous chatouille les narines de fumets délicats. Tout en nous préparant au pire. Car ici la faim justifie les moyens et la gourmandise perdra plus d’une de ces victimes par l’odeur alléchée. Chacune de ces « recettes » est un chef-d’œuvre d’humour noir. »
Danièle Mazingarbe, Madame Figaro, 10 juin 1989.
« J’étais resté sous le charme picaresque de La Perdriole (Flammarion, 1984) qui eût mérité un prix littéraire. Et voici un recueil succulent, où les mots crissent, rissolent, crépitent en dégageant des odeurs enveloppantes, accommodées à toutes les sauces. Une manière fabuleuse de conjuguer l’art de cuisiner et l’art d’aimer. Subtiles et charnelles correspondances ! On demeure sous un charme ensorcelant au fil de dix nouvelles salées-sucrées. »
René Vigo, L’Est Éclair, 13 juin 1989.
« Le plaisir cannibale a déjà été utilisé en littérature, mais toujours avec des alibis ethnographiques, religieux, psychiatriques ou autres. Ici, pas d’alibi, tout est clair, tout est net : mangez ceux qui pourraient vous manger… à condition qu’ils soient comestibles, bien entendu. On retrouve dans ces courtes histoires la sensualité frémissante d’Alain Demouzon : toujours à l’affût des odeurs, des couleurs, il sait rendre à merveille, par une phrase ronde et suggestive, la plaisir de toucher, de palper un corps ou une viande, le moment sublime où se découvre une saveur nouvelle. »
Jean-Paul Schweig, Hebdoscope, 31 mai 1989.
« Réédition fortement augmentée (14 textes) d’un recueil originellement paru en 1989, voilà un mode d’emploi fort complet de la manière d’accommoder son prochain (ou sa prochaine), saignant ou bien cuit. Point de tueurs psychopathes ici, seulement de délicates grands-mères, de vieux célibataires, de blondes égéries qui, se sentant une petite faim sur le coup de quatre heures, décident de consommer les morceaux de choix d’un imprudent voisin ou visiteur. Des titres comme « Cocotte-Minute », ou « Moule à charlotte, moule à madeleine », vous mettent déjà l’eau à la bouche et la main au couteau. Le style à la fois épicé et sucré-salé de l’auteur, merveilleux maître queux, fait le reste. À consommer sans modération, ni risque d’indigestion. »
Jean-Pierre Andrevon, L’Écran Fantastique, février 2004.
Mises en bouche
En janvier 1992, la compagnie Art et Action (François Dragon) a présenté à Aurillac, dans le cadre des Lectures du Saint-Pierre, « L’économe », « Le gril », Cocotte-Minute », « Le hachoir ». En juin 1993, Clin d’Œil (Gérard Audax) et Rencontres pour Lire (François de Cornière) ont mis en espace à Saint-Jean-de-Braye (Orléans) puis à Ifs (Caen) « Le gril », proposé tour à tour au même public, dans les deux versions. La mise en scène de Gérard Audax a également été présentée, le 6 mai 1994, au Théâtre Jean-Vilar de Saint-Quentin en Picardie, dans le cadre du 10e Festival de la Nouvelle. Du 20 janvier au 9 avril 1996, Rencontres pour Lire, a inscrit à son menu, dans diverses villes de Basse-Normandie, « L’économe », « Cocotte-Minute », « Moule à charlotte, moule à madeleine ». Dans le double CD, La cuisine des écrivains (mai 1997, Les Grands Lunaires, Belgique), pour illustrer une longue entrevue avec l’auteur, des extraits de La Petite Sauteuse sont lus par Véronique Lemaire et Jean-Claude Derudder. De décembre 1999 à décembre 2002, et au-delà, Mona Muche a joué dans les bars « littéraires » parisiens — mais aussi dans quelques festivals et espaces culturels banlieusards ou provinciaux — « Le hachoir », et d’autres nouvelles (tirées du recueil Histoires féroces, Fayard, 2002). En décembre 2006, dans une mise en scène de Michel Vivier, le Théâtre de la Presqu’’île de Granville (Manche) a présenté « On peut aimer son prochain et avoir envie d’en reprendre un morceau », où Jean-Charles Noël interprétait « Le gril », « Bain-marie », « Cocotte-Minute » et « Le hachoir ».